CINQUIÈME LIVRE

Ou dernière partie du Testament de frère Basile Valentin, là où il est parlé brièvement du médicament ou médecine miraculeuse, laquelle le Créateur de toute grâce et miséricorde a mise et enfermée dans les métaux et leurs sels et dans les minéraux, comme aussi dans les autres plantes, nobles et moins nobles, pour le soulagement et rétablissement de la santé du corps humain en cette vie présente et pour la guérison des maladies.

 

 

TABLE DES CHAPITRES

Cliquez sur le chapitre de votre choix

 

AVANT-PROPOS

Or potable

Autre or potable

Autre demi-or potable

Lune potable

Description de l'esprit igné du vin

Suit le sel de tartre

Esprit de chaux vive

 

 

 

AVANT-PROPOS

 

 

Avant que je commence à déclarer la vertu des sels métalliques et des minéraux, et semblablement de toutes les autres nobles plantes, premièrement je décrirai et proposerai brièvement la préparation de l'or potable, d'autant qu'à lui seul, comme étant le couronnement ou perfection de tous les médicaments de l'univers, est dû le premier lieu. Et cela très justement et à bon droit, comme au contraire les sels métalliques et [ceux] des minéraux n'ont été doués seulement que d'une vertu particulière et bornée pour la santé des hommes.

C'est pourquoi j'ai raison de commencer mon discours par le vrai or potable et même d'en décrire de différentes sortes. Et parce que cette partie est la dernière de mon Testament, j'entreprends d'y donner et mettre au jour une entière connaissance de l'or potable pour celui qui entend et aime dignement cette science, espérant que Dieu après mon décès permettra qu'il jouisse de ce mien livre. Au reste, je ne dirai rien ici que ce que j'ai moi-même expérimenté avec succès et grands travaux. Partant, s'il a plu à Dieu de te rendre assez heureux pour jouir de cette vraie science, je t'exhorte et conjure de la tenir très secrète en ton cœur, [de] crainte qu'au lieu de la bénédiction de Dieu tu n'aies sa malédiction. Or la préparation de la pierre est unique comme la pierre même est uniforme, laquelle tire ou emprunte sa première origine et naissance de la vraie semence du premier mobile astrologique, qui est appelé esprit de mercure, duquel je t'ai écrit ci-dessus amplement. Mais sache en toute vérité que nulle teinture universelle ou particulière, nul or potable ni aucune autre médecine universelle ne se peut préparer et trouver comme celle-ci, laquelle a et reçoit comme étant toute céleste son essence et origine spirituelle du ciel astral. Et pour cela, garde le silence jusqu'à la mort; et alors fais héritier ton prochain de ce trésor, comme tu vois que j'ai fait. Car si je ne t'avais fidèlement instruit, tu ne connaîtrais que peu de choses de ce secret. Toi, dis-je, qui ordinairement ne t'amuses qu'à des folies comme étant un aveugle ignorant et extravagant, puisque ton talent n'est qu'à transcrire des récépissés ou remèdes de médecine de quelque pharmacopée impertinente et ignorante. Mais pourquoi perds-tu ton temps, tes soins et peines-tu en t'occupant si vainement en ton seul Galien et [en] te plongeant dans un abîme de ténèbres dont l'habitation est chez tous les diables infernaux dans la partie la plus profonde de l'enfer? Et tu te dois assurer que ton corps et ton âme n'auront point d'autre demeure si tu es si téméraire que de divulguer la moindre chose de ces secrets et mystères si relevés.

Mais afin que maintenant je te déclare ma proposition, je te dirai premièrement ce que c'est qu'une médecine universelle et le grand or potable. Ensuite de quoi, je te décrirai un autre or potable qui se fait et compose de l'âme ou soufre corporel de l'or souverainement purifié; et puis il est préparé par le moyen de l'esprit universel, lequel y est mis et conjoint. Et après ce dernier or potable, je ferai suivre une médecine particulière qui sera un demi-or potable dont j'ai, par plusieurs expériences, éprouvé et expérimenté les puissances et vertus particulières, beaucoup plus excellentes que quantité d'autres médicaments. Et semblablement j'ajouterai et mettrai ici la description de l'or potable, lequel à bon droit contient en soi les vertus de l'or même, comme l'on a fait souventes fois l'expérience.

Or le souverain et principal or potable que Dieu a créé et mis dans toute la nature n'est autre chose que la substance de notre pierre, digérée, préparée et fixée, avant que d'avoir été fermentée. Et il n'y a point en tout te monde ni en tout le circuit de la terre une plus grande et plus excellente médecine ni un plus admirable or potable que cette susdite médecine ou substance fixe de notre pierre avant sa fermentation. Et il est impossible d'en trouver ou donner au public une meilleure. Car c'est un baume céleste, duquel les premiers principes descendent du ciel et se forment dans la terre. Et après que cette substance a été préparée par une très grande et exacte purification, elle est enfin amenée en une souveraine perfection. L'origine et le premier principe de laquelle quintessence céleste j'ai déjà ci-devant suffisamment décrit, de sorte que je ne trouve pas qu'il soit nécessaire d'en parler davantage. Comme donc cette substance souveraine, étant parfaitement cuite et digérée, est la plus grande et principale médecine des hommes, de même pareillement cette même matière ou substance, après sa fermentation, est une teinture et médecine universelle, la plus grande et la plus puissante qu'on puisse trouver ni inventer pour tous les métaux en général ; lesquels par cette médecine sont conduits dans leur souveraine perfection et santé, savoir est qu'ainsi ils sont transmués en très pur et très fin or. Et cette première substance fixée comme j'ai dit est le principal or potable et la plus grande médecine universelle de tout l'univers et dont l'on pourrait écrire plusieurs livres. Mais d'autant que j'en ai donné la description et préparation avec toutes ses circonstances en la troisième partie de ce mien Testament, je n'ai que faire de m'y étendre ici davantage et, partant, je n'en dirai pas autre chose. Toutefois je te veux maintenant déclarer à plein comment tu dois faire mon or potable avec l'or commun et vulgaire grandement purifié.

  RETOUR

 

Or potable

 

 

Prends l'âme de l'or extraite avec un doux esprit de sel commun, comme je t'ai enseigné aux particuliers de l'or, lorsque le corps de l'or est resté tout à fait blanc. Retire de dessus cette âme ou soufre d'or l'esprit de sel, et puis adoucis-la par dix ou douze fois. Finalement, nettoie-la, [de sorte] qu'elle soit fort pure, et la sèche. Après, pèse-la et y verse quatre fois autant d'esprit de mercure. Lute bien l'alambic et le mets au bain-marie vaporeux; et laisse putréfier ta matière doucement tant que tu vois que l'âme de l'or soit toute dissoute en eau ou en sa première matière. Il se produira de ces deux une liqueur qui sera rouge comme sang, belle et transparente, en sorte que nul rubis qui soit au monde ne lui est à comparer. Mais prends garde ici que quand l'âme de l'or commence à se dissoudre et à entrer en la première matière de son essence, on voit premièrement sur le bord du verre où la matière touche, un certain cercle fort beau, tout à fait vert; après celui-ci, un autre qui est bleu et ensuite un cercle jaune; et ensuite l'on aperçoit toutes les couleurs de l'arc-en-ciel qui sont agréablement entremêlées l'une avec l'autre; mais elles ne durent pas longtemps.

Or quand toute l'âme de l'or s'est dissoute entièrement dans l'esprit de mercure et qu'il ne se voit plus aucune résidence dans le fond de l'alambic, alors versez-y deux fois autant pesant d'esprit de vin du plus excellent et du plus purifié et essencifié. Lute bien ton alambic d'excellent lut. Digère et putréfie doucement le tout ensemble l'espace de douze ou quinze jours. Puis distille le tout ensemble et il distillera ou passera par le bec de l'alambic une matière liquide qui sera rouge comme un très beau sang et tirera sur une couleur toute dorée et transparente. Continue et réitère cette distillation tant de fois que rien de corporel ne reste au fond de l'alambic. Et ainsi tu auras le droit et vrai or potable, lequel tu ne pourras jamais réduire en un corps. Mais prends garde auparavant de commencer ta dissolution et l'extraction de l'âme aurifique que ton or soit grandement bien purifié et purgé.

  RETOUR

 

Autre or potable

 

 

Voici encore un or potable qui se fait et prépare par art. Et encore qu'icelui ne puisse pas être réputé pour un vrai or parfait ou potable, toutefois il faut avouer qu'il est quelque chose de plus qu'un demi-or potable. Car il est puissant en sa vertu dans plusieurs maladies dont on serait incertain de pouvoir être guéri par la nature des autres médicaments ordinaires, lesquelles maladies toutefois ont été extirpées par le moyen de cet or potable. Or ce demi-or potable se peut faire de deux manières, la dernière desquelles est meilleure et plus efficace que la première, et même elle est plus longue à faire et d'un plus grand travail. La préparation de la première manière de ces deux demi-or potable est telle : Prends l'âme de l'or, laquelle a été extraite par l'esprit doux de sel commun. Adoucis-la très diligemment et nettement. Laisse-la sécher et la mets dans une grande fiole de verre, et y verse de l'huile rouge de vitriol qui soit sans flegme et qui auparavant ait été déflegmée et rectifiée par la cornue, en sorte qu'elle ait été rendue claire, belle, blanche et transparente. Et prends bien garde que quand cette huile de vitriol se charge d'une couleur rouge, c'est signe que l'âme de l'or s'y est laissée dissoudre. Mais sois soigneux de ne verser sur l'âme de l'or qu'autant de ton huile de vitriol qu'il en faudra justement pour sa dissolution. Puis tu mettras ta dissolution [à] putréfier au bain-marie, à feu médiocre, voire un peu plus que médiocre, tant que tu vois que l'âme de l'or soit parfaitement bien dissoute dans cette huile de vitriol. Et s'il se fait quelques fèces, il faut que tu les ôtes et que tu mettes la dissolution dans une cucurbite. Puis y verse dessus deux fois autant d'esprit de vin très excellent et très bien rectifié, comme je t'enseignerai en cette partie. Ferme et lute bien la cucurbite afin que l'esprit de vin ne se puisse point évaporer. Après tu mettras [à] putréfier ta matière au bain-marie, à doux feu, l'espace d'un mois. Et alors l'acrimonie de l'huile de vitriol s'adoucira par l'esprit de vin qui lui fait perdre toute son âpreté. Et ainsi il s'en fait une excellente médecine. Distille le tout ensemble tant de fois qu'il ne demeure aucune résidence au fond de la cucurbite. Et alors tu auras là un plus que demi-or potable en façon d'une belle liqueur fort jaune.

Mais sachez que l'on peut procéder en la même manière avec quelques-uns des autres métaux. Car premièrement tu en pourras faire un vitriol métallique duquel tu tireras facilement l'esprit que tu joindras en la même façon de ci-devant au soufre ou âme que tu verras s'y dissoudre. Laquelle dissolution tu digéreras puis après avec [de l'] esprit de vin tant que le tout devienne une médecine comme j'ai dit, laquelle ensuite produira et fera reconnaître sa vertu.

  RETOUR

 

Autre demi-or potable

 

 

L'autre manière de préparer ce demi-or potable, lequel n'est pas véritablement plus qu'un demi-or potable, mais lequel toutefois passe de beaucoup en sa force et vertu médicinale celui que je viens de décrire. Et voici comment il convient de la faire. Prends l'âme de l'or extraite comme j'ai dit ci-devant. Mets-la dans une cucurbite et y verse du soufre des philosophes qui a été extrait et lequel est l'autre principe qui a été tiré de la terre des philosophes avec l'esprit de mercure; et [il] faut que ce mercure ou esprit de mercure ait été derechef retiré par la distillation de dessus cette terre des philosophes jusqu'à consistance d'huile, laquelle est le soufre des philosophes. Verse donc sur l'âme de l'or de ce soufre des philosophes ce qui suffira pour la dissoudre. Laisse ta matière au bain-marie tant que l'âme de l'or soit dissoute. Et sur cette dissolution, versez-y davantage de très bon esprit de vin très bien rectifié. Digère derechef le tout à doux feu, puis distille-le jusqu'à ce qu'il ne demeure rien au fond de l'alambic. Et ainsi tu as une médecine qui ne cède que de deux degrés au vrai or potable. Voilà la principale manière de faire l'or potable corporel. C'est pourquoi je conclurai et puis j'enseignerai et décrirai brièvement, mais par une véritable manière, comment la lune qui est plus prochaine de l'or en sa perfection, peut être rendue potable et comment il faut préparer cette lune potable en la façon et méthode suivante.

  RETOUR

 

Lune potable

 

 

Prends le soufre de couleur céleste ou l'esprit de lune qui a été extrait avec le vinaigre distillé comme je t'ai enseigné au particulier de la lune. Adoucis ce soufre et puis le rectifie avec [de l']esprit de vin. Laisse-le sécher et le mets dans une cucurbite, et y verse trois fois son poids d'esprit de mercure, lequel se prépare et s'acquiert de l'esprit blanc de vitriol, comme je t'ai montré en son lieu fidèlement. Ferme et lute bien la cucurbite, et mets [à] putréfier ta matière à la vapeur du bain-marie jusqu'à ce que ton soufre de lune soit tout dissous, sans qu'il n'y demeure rien au fond du vaisseau. Et alors digère le tout ensemble par quinze jours entiers. Puis distille ta dissolution jusqu'à ce qu'elle ne laisse point de résidence au fond. Et alors tu as la vraie lune potable, laquelle fait des effets que je n'oserais dire être miraculeux, comme tu le verras dans les occasions qui se présenteront.

  RETOUR

 

Description de l'esprit igné du vin

 

 

Prends de très bon vin et en tire l'esprit, lequel tu rectifieras sur du tartre calciné selon l'art à une souveraine et grande blancheur, en telle sorte qu'il soit parfaitement brûlé. Puis mets cet esprit de vin rectifié dans une cucurbite et sur une mesure d'icelui ajoutez-y quatre onces de sel armoniac bien sublimé. Couvre ta cucurbite de sa chape et y joins un fort grand récipient, lequel tu poseras et feras tremper dans un vaisseau d'eau froide à cause des esprits volatils. Distille doucement au bain-marie et il restera quelque peu de chose au fond de la cucurbite. Et note qu'en cette distillation il faut que tu humectes souvent la chape avec des linges mouillés en eau froide afin de la rafraîchir. Et ainsi les esprits les plus subtils passeront dans le récipient, de sorte que par ce moyen tu auras l'esprit igné du vin.

  RETOUR

 

Suit le sel de tartre

 

 

Premièrement, il faut que tu saches que le tartre des philosophes n'est pas le tartre commun, pour ouvrir nos serrures ou secrets, mais c'est un autre tartre ou sel qui vient toutefois d'une même racine. Et c'est une de nos clefs secrètes pour ouvrir tous les métaux, laquelle se fait ainsi : Fais une lessive de cendres de sarments de vigne qui soit la plus forte que tu pourras. Puis fais-la cuire et bouillir jusqu'à siccité entière. Et il te restera au fond du chaudron une matière luisante, laquelle tu feras réverbérer à feu de flamme l'espace de trois heures, la remuant et agitant continuellement avec quelque verge de fer, tant que ta matière soit devenue fort blanche. Après, dissous cette matière dans de l'eau de pluie distillée, laisse rasseoir les fèces et filtre ta dissolution. Puis dessèche-la doucement dans des vaisseaux de verre jusqu'à siccité. Et ainsi tu auras le vrai tartre ou le vrai sel de tartre des philosophes, duquel l'on peut tirer le véritable esprit. Remarque bien ceci : comme il a été dit ailleurs des pierres précieuses et de leurs vertus et propriétés, de même je te dis maintenant qu'il se trouve plusieurs pierres de vil prix, et même des plantes, qui sont de pareille efficace et vertu en leur opération, quoique les ignorants n'en croient rien et qu'ils ne puissent comprendre cette vérité à cause de leur grand aveuglement et ignorance. Ce que je ferai ici reconnaître par l'exemple de la chaux vive dont on ne fait pas grand état comme étant réputée pour une pierre vile et abjecte. Et toutefois elle contient en soi de puissantes et très efficaces vertus contre des maladies des plus obstinées et violentes. Mais d'autant que la chaux vive a des propriétés et vertus merveilleuses et triomphantes qui sont presque inconnues d'un chacun, je veux ici pour une heureuse conclusion en déclarer les arcanes et mystères à tous les fidèles amateurs ou admirateurs des choses naturelles et surnaturelles, auxquels principalement j'ai révélé en ce mien livre les principaux mystères de la nature.

J'enseignerai donc premièrement et révélerai comment il faut extraire l'esprit de la chaux vive, ce qui demande et requiert un artiste ou opérateur bien expérimenté et bien adroit. Car cette opération ne réussira pas à celui qui n'a pas de solides fondements en cette préparation.

  RETOUR

 

Esprit de chaux vive

 

 

Prends de la chaux vive récente autant qu'il te plaira. Broie-la en menue poudre sur une pierre bien sèche, puis la mets dans un alambic de verre et y verse de très excellent esprit de vin, mais point davantage que ce que la chaux vive en peut boire, en telle sorte que l'esprit de vin ne surnage point. Après couvrez votre alambic de sa chape et y joignez un récipient, le tout bien luté. Puis distillez au bain-marie tout l'esprit et le remettez sur la chaux vive et le redistillez et réitérez cela jusqu'à huit ou dix fois. Et par ce moyen l'esprit de la chaux vive est fortifié en sa gloire et vertu par l'esprit de vin et en est rendu bien plus igné et vigoureux. Ce qu'étant fait, retire cette chaux vive préparée hors de l'alambic et la broie derechef très subtilement et y mêle la dixième partie de sel de tartre qui soit très beau et pur et ne laissant plus aucune féce. Maintenant pèse toute ta matière conjointe et y ajoute autant de pesant de sel de tartre, c'est-à-dire de cette matière qui est restée après que tu as tiré ton sel de tartre — qui est proprement la cendre de serment lessivée, c'est-à-dire dont on a tiré le sel comme ci-devant — et que cette matière soit bien desséchée auparavant que de l'ajouter et mêler. Mêle donc et broie bien le tout ensemble, puis mets toute ta matière dans une cornue bien lutée, n'en emplissant seulement que la tierce partie et y ajoute un grand récipient fort bien luté. Mais note bien qu'il faut que tu aies un vaisseau de verre qui ait deux canaux larges d'un doigt, dans l'un desquels soit ajouté le grand récipient dans lequel tu auras mis un peu d'esprit de vin, et que le tout soit bien luté ensemble. Alors donne feu doux et eau à la cornue et le flegme passera le premier dans le premier vaisseau qui a un double canal. Et quand le flegme aura ainsi distillé, donne un plus fort feu, et un esprit blanc distillera dans le grand récipient, très beau et éclatant à la vue comme l'esprit blanc de vitriol. Cet esprit ne contient point de flegme mais il monte insensiblement par le canal dans le grand récipient, là où il se revêt de l'esprit de vin comme étant un feu qui s'insinue et se joint dans un autre feu.

Mais tu dois savoir que si la chaux vive n'était auparavant préparée avec l'esprit de vin et qu'icelui ne fut ensuite retiré et distillé, cette chaux vive ne ferait rien qui vaille. Car par cette distillation il n'en sort que le flegme, lequel s'il demeurait avec la chaux vive, elle perdrait toute efficace et vertu. C'est pourquoi l'on peut dire que la nature est imperscrutable et qu'elle tient enfermées dedans soi plusieurs merveilles qui ne peuvent pas être toutes connues par les humains. Or quand cet esprit de chaux vive est tout distillé et entré avec l'esprit de vin, alors retire le récipient, jette le flegme et conserve soigneusement l'esprit de vin et l'esprit de chaux vive joints ensemble. Et note que ces deux esprits se séparent difficilement l'un de l'autre par la distillation, car ils s'entre-aiment grandement et l'esprit de chaux vive a accoutumé en cette distillation de se transporter toujours dedans l'esprit de vin. Pour donc en faire la séparation, prends ces deux esprits unis et les mets dans un vaisseau de verre qui soit large, puis y mets le feu et l'esprit de vin seul s'allumera, brûlera et se consumera. Mais l'esprit de la chaux vive restera dans le vaisseau de verre. Conserve-le soigneusement. Et ainsi tu as en vérité un arcane que peu d'autres surmontent en excellence si tu t'en sais bien servir. Cet esprit de chaux vive a tant de vertus et de propriétés qu'il serait impossible de les décrire à moins que d'en faire un discours particulier qui serait trop prolixe et trop ennuyeux. Cet esprit dissout les yeux de cancre et aussi les cristaux de roche les plus durs. Et si tu mêles ensemble ces trois choses et que tu les distilles par réitérées distillations, alors trois gouttes de cette liqueur distillée prises avec un peu de vin chaud rompent et fracassent telle pierre que ce soit dans le corps de l'homme et la font sortir entièrement avec toutes ses racines et ce, sans aucune peine ni douleur.

Or cet esprit de chaux vive est au commencement d'un bleu céleste; mais quand il est doucement rectifié, il devient d'eau, blanc, clair et transparent et laisse peu de fèces après soi. Il dissout les pierres et perles précieuses, celles même qui sont très fixes, comme au contraire il a cette propriété de pouvoir fixer par sa vertu et immense chaleur les esprits très volatils. Si quelqu'un est tourmenté et affligé des gouttes en quelque façon que ce soit, cet esprit de chaux vive en est le maître, les faisant dissoudre et les guérissant radicalement, en sorte que même toutes les nodosités et enflures ou tumeurs disparaissent et s'évanouissent tout à fait.

Grâces soient rendues du fond du cœur à la toute puissante et sainte Trinité, Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, pour tous les bénéfices, dons et présents qu'il nous a donnés et élargis en cette vie, ne nous ayant rien laissé de caché ni à moi, ni à vous autres, selon que je me l'étais proposé. Et je puis dire que je n'ai rien entrepris en mes desseins que je ne l'aie fondé et établi au Nom de Dieu, auquel en soit la louange perpétuelle en toute éternité. Ainsi soit-il. Tout ce qui a esprit donne et rend louange au Seigneur.

Alléluia.

 

  RETOUR