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Des différentes voies de l’œuvre philosophique au laboratoire

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Voici encore une tentative de clarification concernant les différents procédés et cheminements qui conduisent à la pierre philosophale. Sans prétention aucune le texte qui suit se veut personnel et non exempt d'erreurs possibles. A notre souvenir le plus ancien, la première difficulté de tout débutant dans l'étude des textes hermétiques reste celle de la différentiation exacte des voies de l’œuvre et de leur matière respective de départ.

Peut-on songer un instant que les philosophes ne furent pas envieux mais toujours sincères. Et que nos lacunes de compréhension naissent du fait de notre ignorance vis à vis de leur façon de faire, de s’exprimer et des produits qu’ils emploient ?

Là, à quelques siècles de nous, la plume à la main un adepte rédige un traité d'alchimie, c'est son testament, c'est son désir de transmission qui l'anime, c'est sa joie de partager son aventure et d'en faire bénéficier ceux qui après lui envahis par la même passion chercheront à comprendre, à le comprendre.

Quelle est la bonne analyse ? Est-ce le possesseur de la gemme hermétique qui rédige qui est envieux ou celui qui le lit des années après qui ne le comprend pas par manque d’information ?

Avant donc de lire clairement un auteur il faudra décoder son propre système de repérage et la première condition d’après nous pour tenter une approche explicative de certains textes reste celle de la connaissance de la voie choisie par l’auteur.

La voie choisie par l’auteur est donc ce qui déterminera le système de codification qu’il emploie dans sa rédaction.

Sans plus tarder voici ce que nous pouvons raisonnablement écrire à ce sujet. Il y a d’après nous trois voies principales qui sont celles les plus pratiquées par les adeptes, mais d’autres existent que nous signalerons globalement dans la suite du développement.

 

 

I) De la voie Antique ou « unique »

La plus méconnue des trois et pourtant la plus détaillées par les auteurs.

La plus méconnue du fait de l’ignorance quasi totale de la matière première. Cette matière initiale unique et chaotique est encore pour le plus grand nombre le roc indestructible, l’obstacle infranchissable du tout début. Les auteurs la nomment de tous les noms possibles et à juste titre font précéder le mot matière du pronom « nôtre », l’emploi du possessif trouvant alors sa parfaite justification vis à vis de la réalité opératoire.

C’est cette matière, qui contient tout ce dont nous avons besoin, le sel, le soufre et le mercure, nos principes ; L’air, l’eau, le feu et la terre, nos éléments. Mais aussi le soleil, la lune et saturne, nos planètes.

Certains la nomment chaos ou mercure, d’autres  dragon puant  © ou bien encore lion et cela en fonction de son niveau d’évolution dans l’œuvre. De son opération les deux contraires se séparent et enfantent le soufre © indispensable. C’est ce que les philosophes ont nommé conjonction. Mais d'autres comme Naxagoras ont résumé cette opération sous une forme si voilée qu’il est difficile même de croire en la correspondance de notre propos avec l’extrait si confus que nous rapportons ici traduit en langage clair par Fulcanelli à la page 271 de ses « Demeures Philosophales », éd de 1989 Tome 2:

« Il y aura bientôt  deux ans qu’un ouvrier, habile dans l’art métallique, obtint, par un troisième agent, un extrait des quatre éléments, manuellement obtenu en assemblant deux mercures de même origine, que leur excellence a fait qualifier de romains, et qui se sont toujours nommés ainsi… ».

De la longue distillation qui suit naîtra le mercure © sublime ou eau ardente de Lulle, pivot de cette voie et indispensable à la manifestation du feu secret et des futures teintures.

Dans cette voie centrale les ustensiles de verres restent de rigueur jusqu’à l’obtention du soufre. Le creuset interviendra par la suite dans la logique du choix de la voie sèche. Mais toute liberté restant acquise en alchimie l’opérateur aura également le choix de mener à bien l’œuvre au ballon de verre qui lui permettra l’observation de la tant attendue succession des couleurs.

Cosmopolite, Philaléthe, Lulle, ont pratiqué cette voie, allant jusqu ‘aux détails opératoires les plus poussés. Fulcanelli en maître du traité alchimique contemporain le plus lu n’a pas dérogé à cette ligne de conduite et son oeuvre entière ne peut s’entendre clairement qu’à travers le cheminement de cette voie.

Comment expliquer alors les incessantes références de M. Canseliet à une pratique différente en tous points ?

Si nous avions à donner deux phrases pour caractériser cette voie nous choisirions sans hésiter celle-ci très courte :

 « tout en est bon »

et cet axiome :

 « blanchis le noir et rougis le blanc ».

 

 

 

II) De la « voie minérale »

Probablement la voie la plus pratiquée de nos jours, elle est celle des « modernes » selon les sieurs Valois et Grosparmy. Dans cette approche les acteurs en jeux sont directement issus du règne minéral.

Plusieurs « sous voie » se déterminent dans ce chapitre.

Dans la « sous voies » des sulfures, la «voie Canseliet », dont une grande partie de ce site a fait l’objet reste celle qui apparemment à fait le plus d’émules du fait de la proximité dans le temps des écrits, de l’empreinte laissée par l’auteur et de l’apparente clarté de ses propos. Dans ce procédé les sujets d’élection, à savoir le premier mâle et la première femelle, sont un agent métallique et un patient minéral. Pris au sens propre ces termes orientent le débutant vers le choix du Mars et de l’antimoine. Bien que la succession des phases soit quasiment identique d’une voie à l’autre, et ce d’un point de vue purement symbolique, il serait intéressant de se demander ce que cachent des termes aussi clairs. Ainsi les expressions « Saturne des sages » ou « Plomb des philosophes » trouveraient certainement une explication plus logique dans notre précédent développement.

Avec la voie Canseliet l’utilisation du creuset et du charbon comme nourriture ignée reste de rigueur. C’est la Liquation, la conjonction et la séparation du lingot métallique de son capût qui ont fait redécouvrir au labourant de notre siècle les fabuleuses propriétés de cristallisation du régule antimonial. Arpenter le sentier de cette voie correspond donc à suivre une étoile jusqu’au bout sans la perdre de vue, chose qui arrive aussi vite que le phénomène de son apparition.

Attardons-nous un instant sur la notion de « caput » dans cette voie le premier œuvre offre des résidus calcinés sur la partie supérieure du régule ou « mercure » pour certain. Mais peut-on réellement nommer « fèces » ce qui se trouve au-dessus et que nous situons dans la logique de l’observation plutôt en bas ?

Dans la pratique, le deuxième œuvre de cette voie présente la terre rouge dans la position la plus inférieure alors que dans la voie antique les fèces se trouvent à cette place dès le premier œuvre. C’est ce qui a entraîné d’après nous nombre d’erreurs sur l’interprétation symbolique de hiéroglyphes alchimiques pourtant très connus.

D’autres voies seraient à développer ici et qui relèvent encore de l’utilisation de sulfures, c’est le cas de la voie suivie par Mr Caro dans laquelle le Cinabre en se séparant de son métal joue le rôle de producteur salin. Ce qui retient notre attention dans ce procédé c’est l’absence d’indication sur la phase du « Solve » du tout début. Ainsi sans la connaissance du procédé « d’accuation » sur lequel nous reviendrons il est impossible à l’artiste d’ouvrir le minerai et conséquemment de réaliser le reste des phases de « Coagula ». Ce que nous écrivons, nous tenons à le signaler à nouveau n’engage que nôtre avis et se rattache uniquement au fait de réflexions personnelles.

Nous arrêterons là l’énumération des voies reliées au règne minéral, d’autres techniques existent qui font appel à des minéraux différents.

Nous conclurons ce paragraphe en signalant simplement qu’il serait faut de croire que l’une plus que l’autre des voies dont nous traitons mérite les termes de voie sèche ou humide. Les voies sont globalement mixtes, et si à un moment donné la technique fait appel au vase clos ce n’est que de façon temporaire et utile à la suite de l’évolution des phases de maturation du composé.

Si nous avions à caractériser la voie des sulfures par une citation nous choisirions sans hésiter celle tirée du Rosarium Philosophorum et qu'Eugène Canseliet n'hésita pas à reprendre dans son explication du Mutus Liber  ( page 96, Bailly éditeur) : "Note que tout sel bien  préparé revient à la nature du sel armoniac, et que tout le secret est dans le sel commun préparé ©.

Celui qui, conséquemment, connaît le sel et sa solution, celui-là connaît le secret caché des anciens sages. Place donc ton esprit sur le sel et ne pense pas aux autres".

 

 

 

III) De la Rosée

Voici le précieux liquide matinal en mesure à lui seul de donner la pierre ou d’y contribuer selon le travail entrepris.

La rosée recueillie à même le sol et le long des herbiers de printemps traitée de façon idoine tel que nous le montrent les personnages du Mutus Liber sur la planche N° 4 libère par la lente distillation entretenue à l’alambic le composé terreux de cet œuvre.

Cette voie constitue à elle seule le plus haut secret de l’Alchimie puisque à notre connaissance aucun auteur ne fait référence aux différentes phases de ce processus avec exactitude.

Seul Altus par les dessins de son « Livre Muet » donne sur une des ses planches le moyen naturel de transformer la rosée en notre rosée saline et germinative.

Là plus qu’ailleurs les influences astrales concourent à l’agglomération du nitre céleste. Celui-ci porté à un degré de maturité extrême au cours des cohobations de l’esprit sur la matière devient le véritable sel secret ou feu capable d’élever les métaux au niveau de l’or.

Cette élaboration reste probablement la plus difficile en comparaison des autres voies que nous avons décrites dans ce petit article. Les tours de main et la surveillance constante de la matière y sont d’une haute précision de manière à ce que le poisseux liquide livre enfin son sel si recherché.

 

 

 

Conclusion

Nous avons succinctement développé les trois grandes voies de l’alchimie. Conscient de ne pas pouvoir aborder toutes les autres nous signalons seulement leur existence sans même les citer.

Dans notre article celle qui pourtant retient le plus notre attention est la voie dite « Antique ». Grâce aux différents substrats et produits de cette voie tout devient possible. C’est à elle que s’applique à notre avis la fameuse phrase « une seule matière, un seul vaisseaux , une seule voie ». Ce que nous tentons de faire comprendre c’est qu’il existe une interdépendance entre cette voie et les autres de manière à ce que nous puissions à la fin la nommer « voie centrale ».

C’est à cela que nous faisions allusion quant au phénomène de « l’accuation ». Accuer signifie d’après Fulcanelli :

« l’opération qui donne au dissolvant ses propriétés incisives. » (Opus citem page 83).

L’extraction des sels et l’ouverture des minerais se passe donc d’autant mieux que l’on connaît cette voie c’est à dire que l’on ait acquis le tour de main nécessaire à la possession du premier dissolvant capable de devenir plus pointu plus pénétrant et de « dissociés » les mixtes de toutes origines.

Seul ce mercure issu de la voie centrale se trouve investi du pouvoir de s’aiguiser et donc de fendre au point de séparer le soufre principe et le mercure principe des métaux. Le caisson n°9 de la deuxième série du plafond du château de Dampierre sur Boutonne et l’explication correspondante de Fulcanelli s’y rapporte en détails :

« Car le soufre et le mercure des métaux, extraits et isolés sous l’énergie désagrégeante de notre premier agent ou dissolvant secret, se réduisent d’eux-mêmes, par simple contact, en forme d’huile visqueuse, onctuosité grasse et coagulable, que les anciens ont appelée humide radical métallique et mercures des sages. »

Indépendamment de cette interrelation chaque voie possède son propre développement dans le domaine que la nature lui réserve c’est à dire dans son règne.

Pour étayer cette affirmation nous faisons appel au texte de Calid qui fait partie au même titre que cet article de la mise à jour de La Librairie du Merveilleux :

« Et j’ai nommé et traité quatre magistères, plus grands et meilleurs, que n’ont fait les autres philosophes. Desquels il y a un Elixir minéral, et l’autre animal : les autres deux qui restent sont minéraux, et ne sont pas un même Elixir, l’artifice et opération desquels, est de laver ce qu’ils appellent les corps. L’autre est faire or de l’azoth vif, la facture et génération duquel, est selon la génération et ordre de celui des minières, qui sont au cœur, et intérieures parties de la terre. »

On nous reprochera certainement notre manque de clarté, peut-être même que d’autres traiterons nos propos de « Sibyllins », nous avons pourtant fait au mieux, espérons seulement que cela soit utile au plus grand nombre.

 

Alkest ©